La garde à vue
Ressources juridiques > Droit pénal > Garde à vue
Page rédigée par Laure Mazurier
La garde à vue est une mesure privative de liberté. Comme telle, elle est strictement encadrée par la loi et soumise au contrôle du juge judiciaire. Elle est codifiée aux articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale.
Toute personne placée en garde à vue a des droits énoncés dans la loi. Les conséquences de leur non-respect peuvent être importantes pour la suite de la procédure.
Des règles spécifiques s'appliquent aux mineurs. Elles sont prévues à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Le placement en garde à vue
Le placement en garde à vue peut être décidé pour toute personne "à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement" (article 62-2 du Code de procédure pénale).
Cette mesure peut être décidée quelque soit le type d'enquête menée: enquête de flagrance, enquête préliminaire ou instruction judiciaire.
Seul un officier de police judiciaire, qui peut être un policier ou un gendarme, peut décider d'un placement en garde à vue: d'office, ou sur instruction du procureur de la République (article 63 du Code de procédure pénale).
L'officier qui décide du placement en garde à vue a l'obligation, dès le début de celle-ci, d'en informer le Procureur de la République, par tout moyen.
La garde à vue doit être l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs prévus par la loi, au moins:
"1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne;
2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête;
3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels;
4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches;
5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices
6° Garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit"
(article 62-2 du Code de procédure pénale)
Dès le placement en garde à vue, la personne qui fait l'objet de cette mesure est immédiatement informée, dans une langue qu'elle comprend: de son placement en garde à vue, de la durée de la mesure et de ses éventuelles prolongation et de la qualification, de la date et des lieux de l'infraction en cause, ainsi que des motifs justifiant son placement en garde à vue (article 63-1 du Code de procédure pénale).
La durée de la garde à vue
La garde à vue ne peut durer plus de 24 heures.
Elle peut être prolongée pour un délai de 24 heures supplémentaires sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, seulement si: l'infraction en cause est un crime ou un délit puni au moins d'un an d'emprisonnement et si cette prolongation constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs mentionnés à l'article 62-2 du Code de procédure pénale.
Cette prolongation ne peut être autorisée qu'après la présentation de la personne au procureur de la République, éventuellement par communication audiovisuelle (article 63 du Code de procédure pénale).
Si la garde à vue a lieu dans le cadre d'une instruction judiciaire, c'est le juge d'instruction qui décide de son éventuelle prolongation au-delà de 24 heures (article 154 du Code de procédure pénale).
La garde à vue peut, dans certains cas, excéder la durée maximale de 48 heures.
Ainsi, dans le cadre des procédures applicables à la criminalité et la délinquance organisées (liste des infractions dressée à l'article 706-73 du Code de procédure pénale): la garde à vue peut faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune, atteignant donc 96 heures.
Dans ce cas, ces prolongations sont autorisées soit par le juge des libertés et de la détention (sur requête du procureur de la République), soit par le juge d'instruction (article 706-88 du Code de procédure pénale).
Par ailleurs "s'il ressort des premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue elle-même qu'il existe un risque sanitaire sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement": le juge des libertés et de la détention peut procéder à deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune pour les garde à vue fondées sur une des infractions citées au 11° de l'article 706-73 du Code de procédure (article 706-88-1 du Code de procédure pénale).
Les règles de l'article 706-88 s'appliquent à ces prolongations.
L'assistance d'un avocat
Depuis la loi 2011-392 du 14 avril 2011, toute personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée par un avocat, qui peut être commis d'office. L'avocat doit être informé de la nature et de la date envisagée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête (article 63-3-1 du Code de procédure pénale).
L'avocat ainsi désigné peut alors s'entretenir avec le mis en cause, pour un entretien de trente minutes par tranche de 24 heures de garde à vue (article 63-4 du Code de procédure pénale).
L'avocat peut consulter divers procès verbaux, et prendre des notes à leur sujet: notamment les procès verbaux de notification des droits, de placement en garde à vue ou d'auditions (article 63-4-1 du Code de procédure pénale).
Il doit enfin être informé de tout transport de la personne gardée à vue sur un autre lieu (article 63-4-3-1 du Code de procédure pénale).
La notification des droits
Toute personne placée en garde à vue doit immédiatement se voir notifier ses droits, dans une langue qu'il comprend, le cas échéant avec l'aide d'un interprète.
Cette notification doit être mentionnée sur le procès verbal du déroulement de la garde à vue.
Il bénéficie dans ce cadre:
"- du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l'Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l'article 63-2 ;
- du droit d'être examinée par un médecin, conformément à l'article 63-3 ;
- du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;
- s'il y a lieu, du droit d'être assistée par un interprète ;
- du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l'article 63-4-1 ;
- du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l'éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n'est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d'audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu'il ne statue sur la prolongation de la mesure
- du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire."
Les fouilles corporelles
Des mesures de sécurité peuvent être prises pour s'assurer que la personne gardée à vue ne détient sur elle aucun objet dangereux, pour elle-même ou pour autrui. Il peut s'agir de palpations ou de moyens de détection électroniques.
Il ne pourra être réalisé de fouille corporelle intégrale que si cela se révèle indispensable pour les nécessités de l'enquête et si les mesures de sécurité précitées ne sont pas réalisables.
Une telle fouille ne peut être décidée que par un officier de police judiciaire. Elle doit être réalisée dans un espace fermé et par une personne de même sexe que celle placée en garde à vue.
Des "investigations corporelles internes" ne peuvent elles être réalisées que par une médecin.
(article 63-6 et 63-7 du Code de procédure pénale)
L'enregistrement audiovisuel des auditions en garde à vue
Depuis 2012, il est procédé à un enregistrement audiovisuel de toutes les auditions effectuées dans le cadre de garde à vue en cas de crime.
Cet enregistrement pourra être consulté, sur demande adressée au juge d'instruction ou à la juridiction de jugement, uniquement en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition (c'est-à-dire sa retranscription écrite).
Cinq ans après l'extinction de l'action publique, il est procédé à la destruction de l'enregistrement, dans un délai d'un mois.
(article 64-1 du Code de procédure pénale)
A l'issue de la durée de la garde à vue, sur instruction du procureur de la République, la personne est soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.
La personne qui a fait l'objet de la mesure de garde à vue peut consulter le dossier de la procédure et formuler des observations. Pour plus d'information à ce sujet, nous vous renvoyons à l'article 77-2 du Code de procédure pénale.
Dernière mise à jour: mai 2020
CALCUL DE L'HEURE DE DÉBUT DE LA GARDE A VUE (article 63 du Code de procédure pénale)
Si, avant d'être placée en garde à vue, la personne concernée a été appréhendée ou a fait l'objet de toute autre mesure de contrainte (par exemple une vérification d'identité), pour les mêmes faits, l'heure du début de la garde à vue est fixée au moment où elle a été privée de liberté.
En l'absence de mesure de contrainte, si la personne a été placée en garde à vue immédiatement après une audition, l'heure de début de la garde à vue est fixée au début de l'audition.
Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes garde à vue est prise en compte pour le calcul de la durée totale.
CONSÉQUENCES DU NON RESPECT DES DROITS DE LA PERSONNE PLACÉE EN GARDE A VUE
Le respect droits des personnes gardées à vue est contrôlé par le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle (article 66 de la Constitution).
Si les garanties qui protègent le gardé à vue ne sont pas respectées, la mesure peut être annulée, et tous les actes subséquents fondées sur elle (par exemple, actes d'enquête permis par des propos tenus pendant une des auditions).
Pour pouvoir faire annuler la garde à vue, il faut prouver que l'inobservation de formalités substantielles a porté atteinte aux intérêts de la personne concernée (article 802 du Code de procédure pénale).
Dans certains cas, cette atteinte aux intérêts du gardé à vue est présumée: par exemple l'absence de notification des droits, le retard dans l'information au procureur ou dans la notification du placement en garde à vue.
C'est pourquoi il est primordial de connaître ses droits et d'être assisté par un avocat, dont la tâche consiste précisément à s'assurer du respect des droits de son client au cours d'une procédure pénale.